Comment êtes-vous devenue libraire jeunesse ?
Par hasard. J'ai toujours aimé le livre, en particulier la littérature jeunesse. Petite, j'allais déjà dans les librairies spécialisées jeunesse, au tout début des librairies jeunesse fin 1970 début 1980. J'étais déjà habituée à cette littérature spécifique. Après des des études en sociologie, ça s'est fait de fil en aiguille. Je voulais être documentaliste, j'avais passé le concours. Et puis voilà le cours de la vie est parfois particulier. Sous les conseils d’une amie libraire, je suis allée voir une librairie jeunesse qui avait un poste de libre et on m'a embauchée. Au bon moment, au bon endroit. Tout de suite, ça a collé. Je connaissais déjà pas mal le fonds. Même si aujourd'hui il y a beaucoup de formations pour devenir libraire - ce que je conseille vivement aux jeunes qui voudraient s'engager dans cette direction. Mais parfois il suffit d'ouvrir une porte, une main tendue, être là au bon moment. C’est un métier passion, il n'y a pas à redire là-dessus pour moi.
L'ouvrage que vous conseillez le plus en ce moment
Je dirais que je n'ai pas d'ouvrages que je conseille le plus ou d’ouvrages le plus demandés. Chez-nous, ce qu'on va conseiller le plus, c'est être au plus près de la demande des jeunes lecteurs. Bien sûr on a tous des coups de cœur, mais c'est tellement vaste, ils sont tous si différents. Pour un exemple, on a aidé à la sélection littéraire du prix Les héros de la lecture. Quand on pousse des livres, ce sont des livres comme ça : Il était une forme est vraiment un album magnifique, Changer d'air aussi, Valentin de toutes les couleurs. Ce qu'on conseille le plus alors évidemment c'est ce qu'on aime en priorité, et on aime beaucoup de choses, mais après c'est aller au plus proche des envies du lecteur.
Un ouvrage qui continue de vous marquer
Je dirais Les contes du chat perché, puisqu’ils sont vraiment perchés. On a de moins en moins de choses comme ça en jeunesse, on a beaucoup de choses un peu didactiques. « Faut que les enfants apprennent », beaucoup, un peu trop. Il faut repartir sur l'imaginaire. Et puis, je dirais Tistou et les pouces verts, Fifi Brindacier, tous ces auteurs qui ont su traiter de la jeunesse, avoir des personnages qui sont vraiment des enfants découvreurs.
Votre vision de votre profession dans le futur
Il faudrait beaucoup moins de productions pour qu'on puisse pouvoir présenter et vendre des choses qu'on aime. Je trouve qu'aujourd'hui on est en obligés de trop dégraisser, il y a trop de choses. Puis écologiquement ça ne tient pas la route. On a une politique de retour à la marge : moins on en fait mieux c'est, mais on en fait vraiment très peu. C'est une dynamique chez de plus en plus de libraires. Pour la jeunesse, je ne vais pas parler du livre dématérialisé, je trouverais ça complètement ridicule. Mais peut-être, être encore plus dans le conseil, être plus proche de notre clientèle avec justement des choses plus pensées, plus proches des gens qui ont besoin du livre. On a beaucoup de partenariats avec des associations, des personnes éloignées du livre. Notre métier doit être là aussi : faire attention à ne pas rester dans l'entre-soi.
Le "lire autrement" en librairie
On a un rayon langue des signes, un rayon "lire autrement" et LSF pour les tout petits à l'étage. Le “lire autrement” est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup. On essaie de travailler en collaboration avec les différents métiers du livre et avec les bibliothèques dans nos marchés publics, on fait très très attention à cela. On a même quelques livres en braille, pas énormément parce qu'on sait qu'ils se vendent peu, mais quand même pour montrer que ça existe.