Comment êtes-vous devenu bibliothécaire jeunesse ?
Je suis en charge du pôle jeunesse de la Médiathèque de Saint-Lô depuis 2009. J'ai été recrutée en 1999 sur un poste d'emploi-jeune en charge du multimédia. Je m'occupais aussi des petits dépannages informatiques, et faisais le lien avec le service informatique de la ville. A l'époque, internet, les CD-Rom, les EPN, tout cela était nouveau, assez stimulant et formateur. Les collègues m'ont aussi très vite impliquée dans les acquisitions de livres, les animations pour enfants, et j'avais une vraie attirance pour ces missions. Quand ma collègue en charge du pôle jeunesse est partie à la retraite, j'ai postulé pour la remplacer.
Si je regarde en arrière, il me semble que je reviens de loin : un parcours scolaire difficile, deux redoublements ; en 6ème, j'avais des notes négatives à toutes mes dictées ! Ma mère m'a énormément accompagnée et encouragée tout au long de ma scolarité, c'est elle qui m'a fait progresser, travailler. Jusqu'en terminale, je n'avais aucune idée de ce que pourrait être mon avenir. J'avais fini par aimer le français, l'histoire ; je lisais beaucoup, mais je ne savais pas que je pouvais en faire quelque chose. C'est une conseillère d'orientation qui m'a parlé des IUT Bibliothèque-documentation qui commençaient à émerger à l'époque. Grâce à mes bonnes notes au bac de français (comme quoi rien n'est jamais perdu) j'ai pu m'inscrire à l'IUT Michel de Montaigne de Bordeaux.
Ça a pour moi été une vraie révélation. Je me suis vraiment sentie dans mon élément, je savais enfin pourquoi je me rendais en cours, j'avais un but professionnel. L'enthousiasme des enseignants, des intervenants issus de la filière du livre étaient très communicative, ils croyaient au rôle essentiel que peuvent jouer les bibliothèques de lecture publique dans la société. Je pense que c'est la chose la plus importante qu'ils m'ont transmise. Faire des stages et découvrir le milieu professionnel ont été aussi des étapes importantes, cela m'a permis de savoir que je ne travaillerai pas en BU (mais en fait, je le savais déjà !).
J'ai ensuite enchainé avec une année de licence en Sciences de l'éducation car j'ai toujours été sensible au public jeunesse, au rôle éducatif des bibliothèques. Cette année-là me laissait une journée de libre chaque semaine, et j'ai donc consacré tous mes vendredis à faire du bénévolat dans la BCD d'une école. L'année suivante je postulais à la médiathèque de Saint-Lô sur le poste d'emploi-jeune. J'ai pu commencer à travailler avant l'obtention du concours d'assistant, ce qui a été pour moi une vraie chance.
Au quotidien, mon principal souci est que les enfants puissent s'épanouir au contact des livres, des histoires, quel que soit leur parcours. Je suis très sensible aux difficultés que peuvent rencontrer les enfants, j'aimerais que nous (la médiathèque) puissions être plus présents dans les quartiers, mener plus d'actions pour les enfants et leurs parents. Le public des adolescents est aussi un enjeu important, qui demande énormément d'énergie, de moyens. Cela relève un peu du travail de fourmi, mais je crois à l'importance des relations humaines, et bien souvent c'est avant tout une question de confiance qui est en jeu. La médiathèque doit être un lieu de mixité, de rencontres, d'expériences qui permettent aux enfants et adolescents de s'émanciper, de grandir avec un bagage riche qui leur permettra d'aller de l'avant.
Après toutes ces années, je trouve que l'édition jeunesse continue de se bonifier, de me surprendre. Nous avons cette chance en France en tant que professionnels de pouvoir nous appuyer sur cette production. Je ne m'ennuie jamais dans mon travail, il y a tant à faire, on peut expérimenter des tas de choses ; monter des projets avec les collègues ou d'autres partenaires me plaît beaucoup. En 2019 nous avons réouvert une médiathèque entièrement rénovée. L'espace jeunesse a été pensé avec les enfants des écoles saint-loises. Beaucoup de personnes d'horizons différents se sont impliquées pour que ce projet puisse voir le jour, c'était une belle aventure !
Est-ce qu'un ouvrage a marqué votre jeunesse ?
Je ne sais pas si un ouvrage a plus qu'un autre marqué ma jeunesse. J'ai passé beaucoup de temps à la petite bibliothèque de quartier située dans la cave d'un immeuble. Presque tout mon argent de poche a été englouti dans les livres de la bibliothèque verte et j'attendais aussi chaque mois l'arrivée de "mon" J'aime lire. J'ai lu et relu les Tintin, les vieux Fripounet de mon père lorsque j'allais chez mes grands-parents. Et c'est aussi dans sa chambre d'enfant que j'ai lu plus tard mes premiers classiques (Zola, Robert Merle, Camus...).
J'ai le sentiment d'avoir toujours été entourée de héros en quête de liberté, repoussant leurs limites. Je crois que cela a stimulé mon imagination et suscité mon envie de voyager, de pratiquer l'escalade, le trail, le surf...